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💸 Comment Newton a perdu sa fortune. Quelles leçons en tirer ? 

La mère de toutes les bulles.

Le 16/09/2025

par 

 ❤️

👩‍🏫

Ce que vous allez apprendre dans cet article

💰 Comment la bulle de la Compagnie de la mer du Sud de 1720 est devenue l'une des pires crises financières de l'histoire, ruinant même (en partie) le génie Isaac Newton. Vous allez voir, elle est assez passionnante cette histoire. 🔍 Comment la manipulation des marchés et la corruption peuvent transformer un investissement légitime en arnaque dévastatrice pour les petits épargnants. ⚠️ Les signaux d'alerte à surveiller pour éviter les arnaques financières : promesses de rendements extraordinaires, achats à crédit et opacité de gouvernance. 🛡️ Les leçons essentielles pour vous protéger : diversification, analyse critique des fondamentaux et refus d'investir de l'argent que vous ne pouvez pas vous permettre de perdre.

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Hello Snowballers,

J'espère que vous allez bien. Cette semaine, dans le Discord de la communauté Snowball, une personne nous a partagé ce message qui, si vous n'avez pas le temps de lire, décrit le fait qu'un de ses amis est en train de se faire (vraisemblablement) arnaquer :

Du coup, comme j'avais envie depuis un moment de creuser la bulle de la South Sea Company (Compagnie de la mer du Sud) de 1720, une des pires crises financières de l'histoire (même Isaac Newton a perdu de l'argent), je vais aujourd'hui décrypter cette dernière et extraire les leçons à retenir pour éviter de se faire avoir. Vous allez voir, cette histoire est assez passionnante.

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1720, c'est l'euphorie dans les rues de Londres. Tout le monde veut un morceau de la Compagnie de la mer du Sud...

« Scène de la bulle spéculative des mers du Sud, dans le style de Hogarth », par Edward Matthew Ward (1816-1879).

« Scène de la bulle spéculative des mers du Sud, dans le style de Hogarth », par Edward Matthew Ward (1816-1879).

Au tournant du XVIIIe siècle, l’Angleterre connaît une énorme révolution financière. Après la Glorieuse Révolution de 1688, le pays s’est doté d’institutions stables, d’un Parlement puissant et d’une monarchie constitutionnelle.

La création de la Banque d’Angleterre en 1694 marque également le début d'une petite révolution : l’État peut désormais emprunter à grande échelle, la dette publique devient un instrument central de la politique économique, et Londres s’impose comme le cœur battant de la finance européenne (encore le cas aujourd'hui, même si le Brexit a fait très mal).

Et quand un État peut emprunter, on sait qu'il va souvent se faire plaisir... La dette publique explose, passant d’environ 1 million de livres en 1688 à plus de 48 millions en 1714, sous l’effet des guerres contre la France et l’Espagne. Alors, ça ne paraît pas beaucoup, mais 1 million de livres de 1688 représente entre 2,4 et 2,9 milliards d'euros actuels. La dette est donc passée d'environ 2,5 milliards de dollars à environ 120 milliards de dollars (d'ailleurs, petite parenthèse, cette différence illustre bien le phénomène de l'inflation et de la dépréciation monétaire).

Bref, c'est la guerre et en période de guerre, il faut de la thune. Pour financer ces conflits, l’État multiplie les innovations : loteries (oui, oui), rentes viagères, obligations, et surtout, la création de grandes compagnies à charte, comme la Banque d’Angleterre, la Compagnie des Indes orientales et, en 1711, la fameuse South Sea Company ou Compagnie de la mer du Sud.

Ces boîtes reçoivent des monopoles commerciaux en échange de la prise en charge d’une partie de la dette publique, ce qui attire l’épargne de toutes les couches de la société, des aristocrates aux petits épargnants.

Le business de la Compagnie de la mer du Sud n'est pas glorieux. Elle est donc fondée en 1711, à l’initiative de Robert Harley, pour consolider la dette publique britannique et offrir à ses actionnaires la perspective de profits issus du commerce avec l’Amérique espagnole, notamment la traite des esclaves. En 1713, le traité d’Utrecht accorde à la Grande-Bretagne le droit de fournir 4800 esclaves par an aux colonies espagnoles, un privilège que la Compagnie de la mer du Sud achète au gouvernement pour 7,5 à 9,5 millions de livres (donc entre 19 et 24 milliards d'euros actuels).

Mais, mais, mais, le commerce avec l'Amérique du Sud est en fait très limité, car les Espagnols mettent en place de grosses restrictions et des taxes élevées. Malgré ce modèle économique bancal, la Compagnie de la mer du Sud se transforme rapidement en un véhicule financier : elle propose aux détenteurs de dette publique d’échanger leurs titres contre des actions de la compagnie, qui promet de verser des dividendes grâce aux intérêts payés par l’État et aux profits commerciaux espérés. Cette promesse de profits futurs fait rêver tout le monde, alors même que l'activité commerciale est marginale.

Et c'est donc là que tout commence à partir en vrille...

Comment toutes les bulles (peu importe leur échelle, même de toutes petites créées par des scammeurs, comme l'exemple du début), c'est la spéculation qui va être le moteur principal. Les gens investissent en espérant simplement avoir plus d'argent à la fin.

Dans le cas de la Compagnie de la mer du Sud, la spéculation généralisée a vu le prix de l’action passer de 128,5 £ en janvier 1720 à plus de 1 000 £ en août de la même année, avant de s'écrouler :

Source : Wikipédia.

Source : Wikipédia.

Et l'effet boule de neige a bien joué son rôle : l’augmentation rapide du cours attirait de nouveaux investisseurs, qui achetaient dans l’espoir de revendre plus cher. Ce phénomène d’auto-entraînement, où la hausse des prix attire toujours plus d’acheteurs, est typique des bulles financières (mais pas que des bulles, cela arrive aussi pour des investissements tout à fait légitimes).

Mais le problème ici, c'est que les dirigeants de l'entreprise, avec la complicité de certains membres du gouvernement, manipulaient le marché en diffusant de fausses infos et en accordant des options fictives à des personnalités influentes pour entretenir la confiance et la demande. Parfait.

Et pire ! La Compagnie de la mer du Sud proposait des achats d’actions à crédit, avec seulement 10 à 20 % d’apport initial, le reste étant payable en plusieurs fois. My god... Les investisseurs s’endettaient donc massivement, misant sur la hausse continue des cours pour rembourser leurs emprunts. Ce levier financier amplifiait évidemment la hausse, mais rendait le système extrêmement fragile : à la moindre baisse, les ventes forcées se multipliaient, accélérant la chute.

👩‍🏫 Leçon pour l'investisseur particulier : la peur de "rater le train", le fameux FOMO (Fear Of Missing Out), est de l'essence qu'on jette sur le feu de la spéculation. Je ne le répéterai jamais assez, mais il faut garder la tête froide, ne pas céder à l’euphorie collective et toujours, toujours, toujours vérifier la solidité des fondamentaux d’un investissement. Les marchés sont souvent irrationnels à court terme, et les hausses spectaculaires sont rarement durables. Autre énorme warning : l’endettement pour investir en bourse est extrêmement dangereux. Oui, il peut démultiplier les gains, mais aussi les pertes. Il faut toujours mesurer sa capacité à supporter une perte totale de l’investissement, surtout si celui-ci est financé à crédit.

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Les investisseurs de la South Sea Company illustrent à la perfection toute la palette des biais psychologiques qui alimentent les bulles. L’irrationalité a fait perdre de vue la réalité économique, même à des esprits brillants comme Isaac Newton, qui a perdu une grande partie de sa fortune dans la bulle. Voici d'ailleurs un petit récapitulatif des investissements de Newton dans la Compagnie de la mer du Sud :

Comme l'ami de notre chère abonnée Snowball, qui a réussi à gagner un peu d'argent en sortant de l'argent du scam, Newton a lui aussi sorti de l'argent après avoir vu ses actions grimper fortement au début. Cet exit lui a permis de prendre confiance. Il a ensuite succombé à l'appel de la richesse en voyant ses amis devenir riches... Malheureusement, il n'a pas su sortir assez tôt et perd tout quelques mois après.

I can calculate the motions of the heavenly bodies, but not the madness of people.

"Je peux calculer le mouvement des astres, mais pas la folie des hommes", aurait-il dit suite à ses énormes pertes.

L’effet de mimétisme en a poussé beaucoup à acheter parce que leurs pairs le faisaient, sans analyse personnelle, et le biais de confirmation a conduit les investisseurs à ne retenir que les informations qui confirmaient leur croyance dans la hausse continue des cours.

👩‍🏫 Leçon pour l'investisseur particulier : connaître ses propres biais psychologiques est fondamental. L’histoire montre que même les plus rationnels peuvent être emportés par la dynamique collective. Prendre du recul, se fixer des règles d’investissement strictes et s’y tenir est la meilleure protection contre soi-même.

À l’été 1720, la réalité frappe tout le monde en plein visage. Les premiers doutes émergent sur la capacité de l'entreprise à générer les profits promis. Les investisseurs commencent à vendre pour sécuriser leurs gains, le cours s’effondre. De plus de 1000 livres en août, l’action tombe à 400 livres en septembre, puis à 124 livres en décembre... Ouch.

Vous vous souvenez de ces investisseurs qui avaient acheté à crédit au sommet de la bulle ? Ils se retrouvent ruinés du jour au lendemain.

Et la crise ne se limite pas aux actionnaires. Elle se propage aux banques qui avaient prêté sur gage d'actions (un peu comme l'hypothèque d'une maison), provoquant des faillites bancaires et une contraction du crédit.

L’économie britannique subit donc un choc brutal. Le chômage augmente et la consommation baisse.

Les conséquences sociales sont dramatiques : ruine de milliers de familles, suicides, émeutes, et perte de confiance généralisée dans le système financier et politique (logique).

Évidemment, la crise provoque un scandale politique majeur. Une commission d’enquête parlementaire révèle l’ampleur de la corruption, des délits d’initiés et des pots-de-vin versés dans tous les sens à des membres du gouvernement. Plusieurs dirigeants de la compagnie et le chancelier de l’Échiquier sont emprisonnés, leurs biens confisqués pour indemniser partiellement les victimes.

L'explosion de la bulle se fait ressentir en France (Compagnie du Mississippi de John Law) et aux Pays-Bas, et c'est pour cette raison qu'on considère cette crise comme l’un des tout premiers krachs mondiaux, mère de toutes les bulles financières modernes.

👩‍🏫 Leçon pour l'investisseur particulier : diversifiez, diversifiez, diversifiez ! La diversification est un principe fondamental de la gestion des risques. Beaucoup d’investisseurs de l’époque avaient misé toute leur fortune sur la Compagnie de la mer du Sud, croyant à une opportunité unique. Il est crucial de ne jamais investir une part trop importante de son patrimoine sur un seul actif, aussi prometteur soit-il. Il est également essentiel de ne jamais investir de l’argent que l’on ne peut pas se permettre de perdre. Et encore plus crucial : ne jamais emprunter pour investir, sauf si le collatéral est très solide (l'immobilier, par exemple) ou si vous savez vraiment ce que vous faites à 100 % (mais même là, posez-vous vraiment les bonnes questions et attention à l'excès de confiance).

Alors, pour nuancer, tout n'était pas irrationnel dans cette histoire. Il existe une base rationnelle à cette euphorie : la compagnie disposait d'une "ligne de crédit de 70 millions de livres, destinée à l'expansion commerciale, obtenue avec l'accord du Parlement et du roi".

Le problème est surtout venu de la malveillance des dirigeants et des hommes politiques.

Fun fact, en juin 1720, donc en pleine bulle de la Compagnie de la mer du Sud, la "Loi sur les bulles" est passée et "elle impose à toutes les compagnies à capital public d'obtenir une Charte royale" comme on peut lire sur Wikipédia. La suite, vous allez la deviner : la South Sea Company obtient la charte et cette obtention "augmente encore l'attrait de la compagnie, ses actions passent à 890 livres début juin. Ce pic encourage certains investisseurs à vendre ; afin de limiter la pression baissière, les directeurs de la compagnie ordonnent à leurs agents de racheter les titres, ce qui maintient le cours aux environs de 750 livres."

"La loi est bien adoptée lors de la phase de gonflement de la bulle, et non après l'éclatement : loin d'être une tentative d'assainir le marché, il faut plutôt y voir une tentative de la Compagnie des mers du Sud d'entraver ses concurrents". Parfait.

👩‍🏫 Leçon pour l'investisseur particulier : la transparence et la gouvernance sont des critères essentiels dans le choix d’un investissement. Les sociétés dont la gestion est opaque ou dont les dirigeants sont impliqués dans des scandales doivent être évitées (encore faut-il voir ces scandales, cela dit). Comme vous avez pu le voir avec le "Bubble Act" ci-dessus, la réglementation protège les investisseurs, mais elle n’est jamais infaillible. Il est important de ne pas se reposer uniquement sur les lois ou les autorités pour garantir la sécurité d’un placement. Ce n'est pas parce qu'une plateforme n'est pas sur la liste noire de l'AMF qu'elle est forcément sûre. L’éducation financière, la vigilance et SURTOUT l’esprit critique restent vos meilleurs alliés.

Voilà, c'est terminé pour cette petite leçon d'histoire.

Si vous souhaitez réagir ou si vous avez des questions, n’hésitez pas à répondre à ce mail.

Excellente soirée à toutes et à tous, et à très vite.

Yoann ❤️

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